Que sait-on encore du péché, des péchés ? Et plus particulièrement des péchés dits capitaux ? Voilà pourtant un édifice vieux de plus d’un millénaire issu de l’œuvre de Grégoire le Grand, l’un des Pères de l’Église. Les œuvres littéraires, cinématographiques, musicales qui se répandent dans le monde jusqu’à ce jour, par l’inventif truchement de médias, n’ont de cesse de se référer, de près ou de loin, à ces représentations des passions, comme si celles-ci en restaient la grille de lecture, comme si elles structuraient l’œuvre actuelle.
Comment les péchés capitaux ont-ils composé, dès les premiers siècles de l’histoire du christianisme – et plus largement des trois religions du Livre – une « structure » générale des passions interdites ? Branches principales de l’arbre des passions, ces vices ou mauvaises tendances se diffusent grâce à d’autres, appelées « progénitures » du péché. Ainsi les œuvres des Pères du Désert ont-elles esquissé l’arbre des passions impures qui affectent l’humanité. Désignés comme « péchés » elles portent la marque du Mal, le qualifient et justifient que le pécheur soit châtié. C’est bien des représentations et des imaginaires du Mal dont il s’agit de discuter.
Au nombre de sept, les « péchés capitaux », montés en tête d’une armée d’autres inclinations tracent une histoire qui portera la marque de fabrique des métamorphoses des passions interdites. Passions, tendances, inclinations, fautes, tentations, bien connues du monde chrétien, et toutes reconnues par les trois religions du Livre, seraient-elles aux racines de ce que nous appelons des sacrilèges, des vices, des manquements, des perversions ou des « mauvais » penchants ? Dans une représentation binaire des passions, les bonnes ou les mauvaises, le bien et le mal, le bon et le mauvais, ce plan trouve une justification. Il expose du vécu où le péché s’efface progressivement et devient vice, manquement, incivilité, maladie, etc. La haine ou le crime, l’oisiveté ou la nonchalance, la gloutonnerie ou l’addiction alimentaire donnent des illustrations à cette binarité – ou ambigüité - des conduites humaines. En tracer l’histoire c’est suivre au fil du temps les métamorphoses des passions refoulées, des jouissances censurées, ou tout simplement l’histoire de nos interdits.
André Rauch, professeur des universités
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Après l’histoire du corps, des sports et des loisirs, il sonde la chair des passions et des perversions dont le péché serait une racine.
Publications :
Le corps en éducation physique. Histoire et principes de l’entraînement, Presses Universitaires de France, 1982.
Le souci du corps. Histoire de l’hygiène en éducation physique, Presses Universitaires de France, 1983.
Vacances et pratiques corporelles. La naissance des morales du dépaysement, P.U.F. 1988.
Boxe. Violence du XXe siècle, Aubier-Flammarion, 1992.
Vacances en France de 1830 à nos jours, Hachette, 1998.
Le Premier sexe. Mutations et crise de l’identité masculine, Hachette-Littératures, 2000.
L’identité masculine à l’ombre des femmes. De la Grande Guerre à la Gay Pride, Hachette-Littératures, 2004.
Histoire du Premier sexe de la Révolution à nos jours, Hachette-Pluriel (rééd. revue et complétée), 2006.
Pères d’hier, pères d’aujourd’hui. Du paterfamilias au père ADN, Nathan, 2007.
L’amour à la lumière du crime. 1936-2007, Hachette-Littératures, 2009.
Paresse. Histoire d’un péché capital, Armand Colin, 2013.
Luxure. Une histoire entre péché et jouissance, Dunod, 2016.
L’envie, une passion tourmentée, Champ Vallon, 2021.
Histoire des péchés capitaux, P.U.R., 2024.