La morale à l’épreuve de la littérature, la littérature à l’épreuve de la morale
D’un siècle et d’un genre à l’autre — afin d’en explorer les diverses facettes esthétiques, historiques et sociologiques — il s’agira, dans ce petit cycle de quatre conférences, de relancer une même question : en quoi la littérature pourrait-elle, d’une manière qui lui serait tout à fait propre, nous obliger, sans pourtant rien nous prescrire, à un incessant travail de réflexion sur ce que nous estimons être les bonnes et les mauvaises manières de juger et d’agir dans le monde qui est le nôtre ?
Mercredi 20 novembre 2024 : La fable, où l’on voit un genre moral par excellence, est-elle vraiment le lieu où seraient dispensées de claires leçons sur le juste et l’injuste, sur les manières de faire les plus recommandables ou les plus répréhensibles ? Nous verrons, en nous intéressant plus spécialement à la représentation du Loup dans les Fables de La Fontaine, que les choses sont loin d’être si simples chez un des plus grands poètes et des plus profonds penseurs de toute la littérature française.
Mercredi 15 janvier 2025 : La Dispute de Marivaux s’ouvre sur un débat moral : qui de l’homme ou de la femme aurait le premier trahi la confiance de l’autre ? Mais la pièce, d’une saisissante brièveté, est-elle vraiment en mesure de répondre à une telle question ? Et sinon, comment la déplace-t-elle, et pour nous faire découvrir quoi en matière de conduites amoureuses et sociales ?
Mercredi 12 mars 2025 : Dans Quatrevingt-Treize Hugo multiplie à plaisir, avec une subtilité incomparable, les figurations de grands dilemmes moraux : sur la légitimité de la violence révolutionnaire, sur les fins de la démocratie, sur l’engagement ou le désengagement politique, sur la valeur et la dignité à accorder à la vie humaine, sur les raisons du dévouement sacrificiel… Comment fait-il ainsi apparaître la complexité des choix que nous sommes amenés à opérer sitôt que nous nous proposons de faire advenir un monde toujours plus humain ?
Mercredi 14 mai 2025 : On a coutume de voir dans le théâtre de Jean-Paul Sartre des pièces à thèse, soutenues par des convictions militantes et tendancieuses. Ne serait-ce pourtant pas là méconnaître la riche complexité d’une dramaturgie qui ne se laisse aucunement réduire à une vue aussi caricaturale ? Tout en insistant sur le fait qu’un écrivain doit « prendre position » dans notre littérature, Sartre soutient aussi que Les Mains sales n’est « à aucun degré une pièce politique ». Comment s’y résout alors cet apparent paradoxe dans le traitement d’un matériau historico-politique qui n’est pas une fin en soi, mais le support d’un questionnement éthique étonamment ouvert ?
Comme le veut la littérature elle-même, il ne s’agira pas, au fil de ces quatre interventions, d’apporter des réponses, lesquelles, en matière de morale, ne pourront jamais être « définitives », mais de dégager le profit que tout lecteur impartial, disposé à agir ou à juger aussi justement que possible, peut tirer d’un art d’écrire et de raisonner qui invite, avant toute chose, à se poser les questions les plus judicieuses et les plus essentielles.